Indications géographiques

“Indications géographiques : la Commission européenne en pleine effervescence” par Caroline LE GOFFIC

L’actualité en matière d’indications géographiques est décidément fort riche. Parallèlement à une jurisprudence abondante (cf. le billet de F. Fajgenbaum et T. Lachacinski), le législateur européen vient en effet de se saisir du sujet. Ce ne sont ainsi pas moins de deux propositions de règlements que vient d’émettre la Commission européenne.

La première proposition, en date du 31 mars 2022, concerne le cadre déjà existant en matière d’AOP et IGP agroalimentaires et vinicoles, ainsi qu’en matière d’indications géographiques pour les spiritueux, sans oublier les spécialités traditionnelles garanties (STG) et la mention « produit de montagne ». L’objet de la proposition est de renforcer et d’améliorer ce cadre composé de trois règlements sectoriels, avec l’objectif global de faciliter l’adoption des indications géographiques dans toute l’Union européenne, en tant qu’instruments de propriété intellectuelle accessibles à tous les agriculteurs et producteurs de produits, liés par des caractéristiques ou une réputation, et à leur lieu de production.

Concrètement, la proposition ne modifie pas fondamentalement la structure des systèmes d’indications géographiques. Ainsi, en dépit de dispositions générales expliquant que les indications géographiques visent à garantir un système unitaire et exclusif de protection des dénominations, le projet de règlement conserve les catégories existantes d’AOP, IGP et IG.

Les principales mesures destinées à renforcer la protection des indications géographiques sont les suivantes.

Premièrement, la proposition de règlement raccourcit et simplifie la procédure d’enregistrement des dénominations. Ainsi, les différentes règles techniques relatives aux indications géographiques sont fusionnées, le texte instituant une procédure unique simplifiée d’enregistrement des indications géographiques. L’objectif de cette harmonisation est de raccourcir les délais entre le dépôt de la demande et l’enregistrement et de rendre, ainsi, les indications géographiques plus attrayantes pour les producteurs.

Deuxièmement, la proposition vise à renforcer la protection des indications géographiques sur Internet, par des dispositions spécifiques, notamment s’agissant de l’enregistrement de noms de domaine usurpant des indications géographiques (art. 34).

Troisièmement, le texte de la Commission européenne inclut dans le système d’indications géographiques des considérations environnementales et de développement durable. Ces dernières peuvent ainsi figurer dans les cahiers des charges, l’objectif étant de contribuer à mieux protéger les ressources naturelles, les variétés végétales et les races animales locales.

Quatrièmement, la proposition renforce le rôle et les prérogatives des organismes de défense et de gestion des indications géographiques, en prévoyant que les États membres devront reconnaître, à leur demande, les groupements de producteurs. Ces derniers seront ainsi habilités à gérer et à défendre leurs indications géographiques.

Enfin, on peut également noter, dans le détail, que la proposition de règlement reprend des solutions jurisprudentielles, comme par exemple en matière d’ingrédients dans les produits transformés (art. 28). De même, elle harmonise les règles relatives aux rapports entre indications géographiques enregistrées et marques déposées postérieurement (art. 35), en mettant fin à la discordance qui existait entre les règlements AOP-IGP pour les produits agroalimentaires et les vins, d’une part, et le règlement sur les spiritueux, d’autre part.

S’agissant de la seconde proposition, en date du 13 avril 2022, elle est plus novatrice puisqu’elle porte sur un titre qui n’existe pour l’instant pas en droit de l’Union européenne : les indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux. Si un tel instrument existe en France depuis la loi du 17 mars 2014, tel n’est pas le cas au niveau de l’Union. La proposition de la Commission vise à consacrer, sur le modèle des produits alimentaires, les indications géographiques de produits manufacturés.

Le texte définit son objet de manière large : peuvent bénéficier d’indications géographiques les produits

  1. originaires d’un lieu, région ou pays spécifique ;
  2. dont une qualité, réputation ou autre caractéristique peut être essentiellement attribuée à l’origine géographique ;
  3. et dont au moins une des étapes de production a lieu dans la zone géographique délimitée.

On reconnaît ici l’influence de la définition des indications géographiques dans l’accord ADPIC, en droit international, ainsi que des IGP, en droit européen.

En ce qui concerne la procédure d’enregistrement, elle aura lieu en deux temps. Les producteurs devront d’abord déposer leurs demandes d’indications géographiques auprès des autorités désignées des États membres. Celles-ci soumettront, ensuite, les demandes retenues à une évaluation approfondie de l’EUIPO. Toutefois, les États membres qui ne disposent pas d’une procédure d’évaluation nationale pourront aussi déposer directement leur demande auprès de l’EUIPO.

Afin de rendre le système moins coûteux, le texte prévoit que les producteurs auront la possibilité de recourir à une autodéclaration de la conformité de leurs produits avec le cahier des charges, au lieu de se soumettre nécessairement à des contrôles de tiers.

Comme la précédente proposition, le texte comporte des dispositions spécifiques visant la protection des indications géographiques sur Internet et, en particulier, vis-à-vis de l’enregistrement de noms de domaine.

L’intérêt principal de ce dispositif est de permettre aux producteurs concernés de protéger leurs produits manufacturés de manière unitaire sur tout le territoire de l’Union européenne, mais également sur le plan international, à travers l’enregistrement des indications géographiques au titre de l’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne, auquel l’Union européenne a adhéré en 2019. Réciproquement, les indications géographiques industrielles et artisanales d’États tiers pourront être protégées sur le territoire de l’Union par ce biais.

En bref, deux propositions porteuses de grands espoirs en matière de développement d’économies locales et de filières de production de qualité !

“Indications géographiques : la Commission européenne en plein effervescence” par Caroline LE GOFFIC, Professeur à l’Université de Lille, membre associé du laboratoire de recherche du CEIPI (UR 4375)
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