Droit d'auteur,Propriété industrielle,Propriété intellectuelle

“Politique et droit d’auteur – épisode 2 : Rrrrrr!” par  Vincent MAURIAC

(©Réal. M. Alain CHABAT – TF1 Films Production)

De mémoire d’électeur, jamais une campagne présidentielle n’aura autant mis en avant la Propriété Intellectuelle.

Après le clip de campagne de M. Eric ZEMMOUR contesté au titre des droits d’auteur, l’usage indu de la marque Kärcher® par Mme Valérie PÉCRESSE dans ses discours et la vidéo promotionnelle de Mme Marine Le PEN tournée sans autorisation devant la Pyramide du Louvre, c’est au tour de M. Jean LASSALLE de s’inviter au bal au travers de son association « RÉSISTONS! ».

En effet, par un Tweet en date du 14 janvier 2022 relayé sur son site de campagne et ses autres réseaux sociaux, le candidat béarnais n’a pas hésité à communiquer l’intégralité de la lettre de mise en demeure qu’il a fait adresser le jour même à un autre candidat déclaré… M. Eric ZEMMOUR :

En substance, ce dernier est accusé une nouvelle fois d’actes de contrefaçon de droits d’auteur pour avoir adopté comme identifiants de campagne pour son parti « RECONQUÊTE ! », des logotypes qui seraient « des copies presque intégrales des logos du mouvement « RÉSISTONS ! » qui sont exploités depuis plus de 5 ans ».

Logotypes

« RÉSISTONS ! »

Logotypes

« RECONQUÊTE ! »

 

 

Tout d’abord, pour asseoir la présomption de titularité des droits d’auteur dont l’association « RESISTONS! » dispose sur ces créations en tant que personne morale, l’émetteur n’hésite pas à justifier de leur divulgation et de leur exploitation au travers de produits dérivés (badges, magnets, tee-shirts…) et de supports de communication (site web, réseaux sociaux…) comme l’exige une jurisprudence établie de la Cour de cassation (Par ex : Civ. 1e, 24 mars 1993, pourvoi n° 91-16.543 : Bull. civ. I, n° 126 ; Civ. 1e, 28 octobre 2003 : Bull. civ. I, n° 217 ; Crim. 24 février 2004, pourvoi n° 03-83.541 : Bull. crim., n° 49 ; Civ. 1e, 6 janv. 2011).

Au vu des documents en notre possession, il est en revanche impossible de savoir si l’Association considère ces créations comme étant des œuvres collectives, dont elle aurait été à l’initiative et donc titulaire des droits dès l’origine ou bien, si elle a été cessionnaire desdits droits après avoir passé un contrat de commande. A ce titre, la date de création (26 décembre 2016) et le nom de l’auteur (Mme Caroline HUET) n’apportent aucune précision.

En revanche, s’agissant de l’originalité des œuvres, force est de constater que le Conseil de l’Association est beaucoup moins prolixe. A ce sujet, il se contente de procéder par voie d’affirmation en indiquant que « les logos lorsqu’ils sont originaux, bénéficient de la protection accordée par le droit d’auteur » et qu’ « une simple lettre figurant sur un logo peut être protégée du fait de son « graphisme particulier » » (Sur la preuve de l’originalité cf. J.-A. BENARERAF et V. BARTHEZ, Rapport de Mission, Conseil supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique Déc. 2020).

Personne ne saurait contredire ces affirmations dès lors qu’en vertu des dispositions de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle : « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit […] 8° Les œuvres graphiques et typographiques ».

Pour autant, puisqu’il revient à celui qui agit en contrefaçon de droits d’auteur, d’identifier les caractéristiques de l’œuvre dont il sollicite la protection, si cette affaire venait à connaître une suite judiciaire, l’Association devra redoubler d’effort pour tenter de démontrer que la typographie et l’aspect spécifique des logos portent la marque de la personnalité de leur auteur, ce qui leur confère un caractère original permettant d’être protégés(Exemple intéressant s’agissant d’une lettre cf. EUIPO, ch. rec., 30 juin 2009, aff. R 1757/2007-2,  c. ). Pour ce faire, elle pourra s’appuyer sur le pertinent arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 janvier 1989 (CA Paris, 10 janv. 1989, PIBD 1989, III, 296) cité dans sa démonstration qui, en son temps, sous l’empire de la loi de 1957, avait consacré l’originalité et la nouveauté d’un logo constitué d’une lettre R assorti d’un graphisme particulier.

Ceci est d’autant plus important qu’il semblerait que l’association « RESISTONS! » concentre finalement sa réclamation sur la contrefaçon du seul monogramme constitué de la lettre R et d’un point d’exclamation. Ainsi, dans le cadre de la comparaison des signes en présence nécessaire à la caractérisation des actes de contrefaçon, son Conseil se contente de préciser que la « seule différence » entre les signes est « l’ordre des couleurs (une lettre blanche sur fond bleu c. une lettre bleue sur fond blanc, avec un point d’exclamation rouge dans les deux cas) ».

A défaut de quoi, il sera très certainement jugé que l’association de la lettre R et d’un point d’interrogation relève du domaine de l’idée et est donc à ce titre insusceptible d’appropriation.

Dans le cadre de sa réclamation, le Conseil de l’Association évoque ensuite une demande de marque verbale française  (n° 4801753 du 21 septembre 2021) déposée au nom et par Monsieur Gilbert PAYET, conseiller technique et juridique de M. Éric ZEMMOUR, pour expliquer au destinataire « qu’elle n’est qu’une marque verbale qui ne permet en aucun cas de reprendre la charte graphique et les éléments figuratifs créés » pour l’association « RÉSISTONS ! ».

Il poursuit en précisant que « sa cliente avait déjà déposé la marque verbale et la marque figurative » sans pour autant en tirer une quelconque conséquence en matière de contrefaçon de marque(s).

Et pour cause, à l’heure où nous écrivons ces lignes, à l’exception de la demande de marque verbale française , parfaitement inopérante en l’espèce, nous n’avons retrouvé aucune trace desdites marques qui ne semblent connaître ou n’avoir connu une quelconque existence juridique.

Le débat se fixera donc sur la contrefaçon de droits d’auteur au sujet de laquelle, à notre connaissance, aucune réponse n’a été adressée. Nous saurons dans les prochaines semaines si la démarche précontentieuse de M. Jean LASSALLE était opportuniste et destinée à marquer son désaccord avec la politique menée par l’autre candidat ou bien si elle relevait d’une véritable volonté de défendre l’exclusivité des droits exclusifs de l’association.

Du fait de la résonnance de ces sujets mêlant politique et droits exclusifs sur les réseaux sociaux et du battage médiatique dont chacun d’entre eux fait l’objet, nous pouvons désormais affirmer que la Propriété Intellectuelle est devenue incontournable pour les candidats.

“Politique et droit d’auteur – épisode 2: Rrrrrr!” par  Vincent MAURIAC, Avocat, Docteur en droit
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