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“Politique et droit d’auteur”

par Edouard TREPPOZ

Le droit d’auteur s’invite dans la campagne présidentielle avec le clip promotionnel du désormais candidat Eric Zemmour.

Le point d’entrée du droit d’auteur est relativement simple et repose sur l’intégration au sein de ce clip d’extraits de films. Huit films ont été recensés et, pour l’heure, les ayants droits ne semblent pas avoir été approchés. La qualification juridique, qui ne se contente pas de « faits alternatifs », est alors limpide : sans autorisation des ayants-droits, une telle inclusion est interdite.

Commençons par le début. Une image extraite d’un film est protégée par le droit d’auteur. On se souvient de la publication non autorisée dans un journal de la photographie d’une scène du film « Le Corniaud ». Le droit y voit une contrefaçon (Cass., civ. 1ère, 3 juin 1997, n° 95-14664). L’analyse doit être la même ici. Mais de quels droits et de quels ayants-droits parlons-nous ? Le producteur d’abord en qualité de cessionnaire de droits patrimoniaux. Les auteurs et particulièrement le réalisateur ensuite pour le droit moral. Car à n’en pas douter l’utilisation d’une œuvre à des fins politiques, qui plus est afin de promouvoir un candidat condamné pour ses propos racistes, peut constituer une atteinte au droit moral (Cass., soc., 8 février 2006, n° 04-45203).

Reprenons ! Gaumont pourrait ainsi se plaindre de la reprise d’une image du film Jeanne d’Arc sur le fondement de son droit patrimonial et Luc Besson pourrait faire de même sur le fondement de son droit moral. Certes, ne serait-ce pas néanmoins possible de se prévaloir d’une exception et, plus précisément, de l’exception de courte citation (article L. 122-5 du CPI) ? La réponse est là encore négative. L’exception de courte citation suppose de respecter certaines conditions ici totalement ignorées. Il faut d’abord citer la source, condition omise en l’espèce. Il faut ensuite que la citation soit justifiée par « le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information », ce dont ne peuvent se prévaloir ces extraits. A n’en pas douter, le clip est contrefaisant, légitimant des sanctions au civil, mais aussi au pénal.

Certes, mais alors pourquoi le clip est-il encore diffusé sur Youtube, mais non sur les chaines de télévision ? Nous voilà au cœur d’un des débats les plus actuels du droit d’auteur. Depuis l’article 17 de la directive DAMUN transposée en mai dernier, Youtube accomplit juridiquement un acte de communication au public pour le contenu téléversé par les utilisateurs, ce qui le contraint soit à disposer d’une licence, soit à bloquer l’accès au contenu. Une controverse se développe sur le contenu gris, celui qui ne serait pas manifestement illicite. Les allemands, notamment, considèrent que pour ce contenu la plateforme ne doit pas filtrer en amont, mais en aval au risque de porter atteinte à la liberté d’expression. Youtube ne serait alors responsable pour ce contenu gris qu’une fois que les auteurs auront mené l’analyse juridique permettant de contester le jeu de l’exception. A l’inverse, une chaine de télévision ne peut pas s’abriter derrière cette limitation de responsabilité et cette interprétation de l’article 17. Où l’on comprend que dans le monde d’hier, ce candidat n’aurait pu diffuser son clip contrefaisant sur aucune chaîne de télévision, mais que ce dernier, dans l’incertitude du monde d’aujourd’hui, peut bénéficier du bruit médiatique de l’internet, malgré l’illégalité dudit clip.

“Politique et droit d’auteur” par Edouard Treppoz, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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