Intelligence Artificielle et Brevets aux US
Par Ben Quarmby, partenaire chez Molo Lamken LLP en litiges commerciaux et propriété intellectuelle, professeur adjoint au CEIPI et membre du conseil d’administration de la Fondation de l’Université de Bristol.
Pas une semaine ne passe sans que l’intelligence artificielle (IA) ne fasse la une des journaux. Elle est, selon les sources, une salve à tous les maux, ou un outil de destruction inégalé. Elle est, en outre, un sujet de priorité pour l’United States Patent and Trademark Office (USPTO), l’agence US responsable de la gestion des dépôts de brevet.
L’USPTO a reçu ses ordres de marche. La Maison Blanche a promulgué le 30 Octobre 2023 un ordre exécutif (« executive order ») notant la nécessité de contrôler le développement et l’usage de l’IA en toute sécurité (Executive Order on the Safe, Secure and Trustworthy Development and Use of Artificial Intelligence, October 30, 2023). Cet ordre prévoit que toutes les agences de l’État Fédéral mettent en place les règles nécessaires pour atteindre ce but. En réponse, l’USPTO s’est donné pour mission de clarifier pour le public, mais aussi pour les examinateurs de l’USPTO : (i) les circonstances dans lesquelles une invention générée partiellement ou entièrement par une IA peut être brevetée, et (ii) comment prendre en compte, en déterminant la brevetabilité d’une invention, des contributions relatives de personnes physiques et d’une IA.
À la suite de nombreux échanges avec le public, ainsi que d’autres parties intéressées, l’USPTO a rendu son analyse et ses recommandations le 13 Février 2024 (Inventorship Guidance for AI-Assisted Inventions, 89 F.R. 10043 (Feb. 13, 2014)).
L’analyse de l’USPTO est la suivante. Il est convenu que les personnes physiques qui ont contribué à au moins une revendication d’un brevet doivent être nommées comme inventrices, sous peine d’invalidation du brevet. Une personne physique peut être co-inventeur d’un brevet même si « (1) elle n’a pas travaillé physiquement avec les autres inventeurs, ou en même temps, (2) chaque inventeur n’a pas fait une contribution du même type, ou de la même quantité, et (3) chaque inventeur n’a pas contribué au sujet de toutes les revendications du brevet » (35 U.S.C. § 116(a)).
Il est aussi convenu que les inventeurs et co-inventeurs nommés dans un brevet doivent êtres des personnes physiques et non une IA (Thaler v. Vidal, 43 F.4th 1207, 1213 (Fed. Cir. 2022), cert denied, 143 S. Ct. 1783 (2023) (« seule une personne physique peut être un inventeur, alors une IA ne peut pas l’être »)). En effet, 35 U.S.C. § 100(f) définit un inventeur comme « l’individu ou, si une invention jointe, les individus collectivement qui ont inventé ou découvert le sujet de l’invention » (35 U.S.C. § 100(f)).
Toutefois, l’utilisation d’une IA par une personne physique n’empêche pas cette personne d’être qualifiée d’inventeur si la personne physique en question a contribué de manière significative (« significantly contributed ») à l’invention revendiquée. Les demandes de brevet pour des inventions obtenues avec l’assistance d’une IA doivent alors nommer la personne qui a contribué à l’invention, et ne peuvent nommer l’IA.
L’USPTO reconnaît évidemment que l’analyse post-facto des contributions relatives des personnes physiques et de l’IA ne sera pas facile. Chaque analyse devra procéder au cas-par-cas, mais certains principes sont à garder en tête :
- Dans le cas d’un brevet obtenu par une personne physique avec l’assistance d’une IA, il faut que la personne ait contribué de manière significative à chaque revendication du brevet— une contribution globale au brevet ne suffit pas. Une analyse revendication par revendication (« claim-by-claim ») est alors nécessaire.
- Il faut que la personne physique ait contribué de façon significative à la création de l’invention — une contribution significative à l’implémentation d’une invention (« reduction to practice ») ne suffira pas.
- Le fait que l’IA qui a généré l’invention soit contrôlée par une personne physique ne suffit pas pour qualifier cette personne physique d’inventeur.
- Les demandeurs de brevet ont une responsabilité de « candeur » (duty of candor) envers l’USPTO, responsabilité qui requiert l’identification de tout inventeur. Cette responsabilité implique maintenant une obligation d’identifier toute invention ou revendication qui aurait été générée par une IA sans contribution significative d’une personne physique.
L’USPTO a donc posé les grandes lignes. Reste maintenant à voir comment ses examinateurs — et par la suite, les tribunaux — vont interpréter ces règles.
À suivre dans les mois à venir…
Intelligence Artificielle et Brevets aux US
Par Ben Quarmby, partenaire chez Molo Lamken LLP en litiges commerciaux et propriété intellectuelle, professeur adjoint au CEIPI et membre du conseil d’administration de la Fondation de l’Université de Bristol.