“Preuve de l’usage d’une marque UE : Décisions THE STANDARD et OSCAR – ou comment dissocier le lieu d’exécution de la prestation du lieu de d’usage de la marque”
par Aurélie Guétin, CPI Directrice générale Département Marques Cabinet Novagraaf
Conformément à l’article 15 du RMUE : « Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage. »
Dans les affaires qui nous intéressent, la difficulté, s’il en existe une, est liée au lieu d’exécution du service qui n’est pas situé en Union européenne. L’usage à des fins promotionnelles et la possibilité de réserver, de regarder la prestation depuis l’Union européenne peuvent-ils suffire ?
La première décision concerne l’usage de la marque de l’Union The Standard enregistrée en mars 2011 en classes 18, 25, 38, 39, 41, 43 et 44.
Cette marque est utilisée pour des services d’hôtellerie aux États-Unis.
À la suite d’une action en déchéance déposée en 2018, la titulaire est déchue de ses droits par la division d’annulation. La chambre de recours rejette la demande de la titulaire, en considérant que les preuves fournies (publicités et promotions destinées à la clientèle de l’UE, réservations effectuées par des clients ou des agences de voyage en UE) concernent des services hôteliers et auxiliaires rendus aux États-Unis par la requérante. La nationalité ou la provenance géographique des clients est dépourvue de pertinence. De même, les publicités destinées aux consommateurs de l’Union européenne ne sont pas suffisantes.
Saisi sur recours, le Tribunal de l’Union européenne estime, quant à lui, que la chambre de recours a commis une erreur en ne distinguant pas entre « le lieu où les prestations sont rendues » et le « lieu d’usage de la marque ». Il s’agit là d’une distinction assez subtile pour certains produits et services, mais qui est bien expliquée dans cette décision par le Tribunal.
Ainsi, sous réserve d’éléments de preuves suffisants, la publicité à l’égard des consommateurs de l’Union européenne pourrait suffire à valider un usage de la marque The Standard pour des services hôteliers rendus aux États-Unis.
Dans le même esprit, la division d’annulation a rejeté une demande de déchéance contre la marque de l’Union européenne OSCAR enregistrée pour des services très précis, à savoir « Entertainment and educational services, namely, conducting an annual award ceremony recognizing exceptional achievement in the film industry, and giving people the incentive to excel in the film industry through the awarding of prizes », et utilisée pour la fameuse cérémonie des Oscars qui a lieu aux États-Unis.
Là encore, la distinction entre le lieu d’exécution des services et celui de l’usage de la marque est essentielle. En matière de divertissement, la division d’annulation a considéré qu’il n’est pas nécessaire de se rendre sur le lieu de production. Le divertissement peut être consommé par des médias de toutes sortes et s’adresse ensuite, en ce qui concerne son effet commercial, au territoire couvert par les médias de divertissements.
Cette décision pose un certain nombre de questions. En effet, dans la décision relative à la marque The Standard, le consommateur de l’Union européenne peut réserver des services hôteliers depuis l’Union européenne. Bien que l’exécution du service ait lieu en dehors de l’UE, un tel acte d’achat pourrait justifier que l’usage de la marque soit validé pour l’UE.
En ce qui concerne la marque OSCAR et les services qu’elle couvre, la question soulevée pourrait être de savoir si ces services sont bien ceux pour lesquels la titulaire revendique un usage.
Cette décision est à mettre en parallèle avec la décision BALLON D’OR selon laquelle « l’organisation, sous la marque contestée, de la cérémonie de remise de prix se rattachant au Ballon d’or doit être qualifiée de prestation d’un service de divertissement et que, en considérant que la société Les Éditions P. Amaury ne fournissait pas un tel service dans le contexte de l’usage de cette marque, l’EUIPO a commis une erreur de droit » (Arrêt du Tribunal dans l’affaire T-478/21 – 6 juillet 2022 CURIA – Documents (europa.eu)).
En tout état de cause, ces décisions sont assez favorables aux titulaires, mais il n’est pas certain qu’il s’agisse des dernières en la matière.
13/08/2022, T768/20, The Standard (fig.), EU:T:2022:458
06/09/2022 R 1841 2021 5 OSCAR