Droit des marques,Propriété industrielle,Propriété intellectuelle

Commentaire – Décision CA Versailles 12è chambre 15 décembre 2022 N° 21/01705 « KOOBA pour COCO, révisé en appel » par Aurélie Guétin, CPI Directrice générale Département Marques Cabinet Novagraaf

Le 29 mars 2019, la société Chanel forme opposition contre la marque COCO & KOOBA n° 184503081 sur le fondement de sa marque COCO n° 1571046 enregistrée en 1990 pour les produits de la classe 3 suivants : « Savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices ».

La marque contestée portait sur les produits suivants « huiles essentielles ; préparation d’écran solaire ; les cosmétiques ; produits démaquillants ; masques de beauté ; teintures pour cheveux ; les shampooings ; lait démaquillant à usage de toilette ; parfums ; gâteaux de savon ».

Dans son mémoire d’opposition, la société Chanel invoquait :

  • l’identité des produits ;
  • l’imitation de la marque antérieure ;
  • l’interdépendance des critères ;
  • la notoriété de la marque antérieure (en fournissant de la documentation à l’appui de son argumentation).

Par une décision du 20 septembre 2019, l’INPI avait rejeté l’opposition formée par la Société Chanel considérant que COCO et COCO & KOOBA ont une physionomie d’ensemble différente de part leur longueur et leur structure, et que les signes présentent des différences phonétiques. L’INPI ne se prononce pas sur la comparaison conceptuelle. Les produits eux avaient été reconnus identiques.

À la société Chanel qui indiquait avoir « commercialisé une collection de prêt à porter, largement médiatisée, COCO CUBA, en octobre 2016 » et qu’« un défilé également très médiatisé [avait] eu lieu à Cuba », l’INPI rappelle que la comparaison des signes dans le cadre de la procédure d’opposition doit s’effectuer uniquement au vu des signes tels que déposés, indépendamment des conditions d’exploitation réelles ou supposées. Il s’agit là du rappel d’un principe constant en matière de comparaison des signes par l’INPI. Rien de nouveau de ce côté.

L’INPI indiquait également que le terme « COCO » se réfère à la noix de coco et que ce dernier n’est pas mis en exergue au sein de COCO & KOOBA.

Ainsi, la marque contestée ne sera pas perçue comme une déclinaison de la marque antérieure COCO en dépit du caractère distinctif élevé de cette dernière dont la connaissance par une partie significative du public ne serait pas suffisante pour créer un risque de confusion entre les signes (INPI, 20 sept. 2019,  n° 19-1356)

La société Chanel forme logiquement un recours à l’encontre de cette décision de l’INPI et demande que cette dernière soit annulée, notamment en raison de l’absence de prise en compte du degré de distinctivité liée à la renommée de la marque antérieure COCO.

La Cour d’Appel de Versailles, dans son arrêt du 15 décembre 2022, procède à une analyse plus favorable à la société Chanel. 

Sur le plan visuel, la Cour d’Appel indique que les signes partagent l’élément « COCO » et « revêtent donc des aspects qui sont partiellement identiques ». En outre, le terme « COCO » est parfaitement identifiable et ne perd pas « son autonomie dans la demande d’enregistrement ».

Il existe donc, selon la Cour d’Appel, une certaine similitude visuelle entre les signes.

Enfin sur le risque de confusion, la Cour confirme que « le consommateur prête généralement une plus grande attention à la première partie [d’un signe] et s’en souviendra plus clairement »

La Cour d’Appel renvoie également à la décision LIFE / THOMSON LIFE (CJCE, 6 oct. 2005, C-120/04, Medion AG)  sur la position distinctive autonome pour affirmer que « le terme coco ne se fond pas dans la demande d’enregistrement, mais il y conserve une place autonome, même si le terme kooba n’est pas la dénomination de l’entreprise tierce. La renommée et le caractère distinctif de la marque antérieure constituent des facteurs pertinents pour l’appréciation, non pas de la similitude de la marque et du signe en conflit, mais de l’existence d’un lien entre ceux-ci dans l’esprit du public ».

La position de la Cour d’Appel s’inscrit dans la logique de décisions précédentes, notamment de l’INPI, fondées sur la renommée de la marque antérieure et la notion de position distinctive autonome.

L’INPI avait ainsi reconnu l’existence d’un risque de confusion entre la marque ANDRE bénéficiant d’une notoriété dans le domaine des chaussures avec la demande d’enregistrement CAROLE & ANDRE (INPI, 30 avr. 2020, n° 19-4723) pour des « vêtements, chaussures, chapellerie, chemises, vêtements en cuir.. ».

L’INPI avait appliqué un raisonnement identique pour reconnaître l’existence du risque de confusion entre la marque CELINE et la demande d’enregistrement CAMILLE & CELINE (INPI, 17 déc. 2021, n° 21-1683) pour des vêtements.

Or, dans sa décision COCO / COCO&KOOBA, l’INPI semble plus attaché au fait que le terme « COCO » fasse référence à la noix de coco qu’à la renommée pourtant incontestable de la marque COCO pour les cosmétiques. 

Il serait intéressant d’aller plus loin sur l’incidence du terme COCO, si les produits sont en effet à base de noix de coco. Si tel était le cas, l’INPI ne devrait-il pas exiger que le déposant indique dans son libellé que « tous les produits contiennent de la noix de coco » ? À défaut, la marque ne serait-elle pas déceptive ?

Cela faciliterait l’issue, puisqu’un libellé précisant que les produits contiennent de la noix de coco rendrait le terme « COCO » descriptif et l’élément « KOOBA » serait, de façon certaine, l’élément distinctif et dominant. 

En l’état, dans le cadre de la comparaison entre les signes « COCO » et « COCO & KOOBA », l’élément « COCO » ne peut être considéré comme plus « faible » que « KOOBA » dans la mesure où il peut faire référence à autre chose qu’à la noix de coco et, partant, garder une distinctivité forte (ou une position distinctive autonome), renforcée par la renommée de la marque antérieure.

La défense de la marque « COCO » n’est pas un combat simple pour la société Chanel. Si même pour cette marque très connue l’INPI ne tient pas compte de la forte connaissance par le consommateur, et de la position distinctive autonome, les titulaires de marques moins connues auront du souci à se faire !

Commentaire – Décision CA Versailles 12è chambre 15 décembre 2022 N° 21/01705 « KOOBA pour COCO, révisé en appel » par Aurélie Guétin, CPI Directrice générale Département Marques Cabinet Novagraaf.

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