Droit des marques,Propriété industrielle

L’exigence de preuves d’usage sérieux pour maintenir une marque de l’Union européenne

Par Marie NAHMIAS, Avocate à la Cour. 

Arrêt du Tribunal dans l’affaire T-58/23 – Supermac’s / EUIPO – McDonald’s International Property (BIG MAC)

Il ne suffit pas d’enregistrer dûment sa marque auprès des registres de la propriété intellectuelle pour garantir ses droits, encore faut-il l’exploiter sérieusement et surtout se ménager des preuves de cette exploitation. À défaut, la marque encourt la déchéance pour défaut d’exploitation – à moins qu’il existe un juste motif pour le non-usage (Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne, devenu Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne). 

Lors d’un litige sur la déchéance d’une marque, le débat se cristallise classiquement autour de la pertinence des éléments de preuve soumis par le titulaire des droits pour justifier de l’existence et de l’étendue de son exploitation. 

Par principe, il est tenu compte notamment du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, de la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis, ainsi que de la fréquence de ces actes. L’appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (point 25 de l’arrêt T-58/23).

Dans l’arrêt Supermac’s/McDonald’s en date du 5 juin 2024, le dossier de preuves d’usage de la marque verbale de l’Union Européenne BIG MAC n° 62638, déposée par McDonald’s International Property Co. Ltd (« McDonald’s ») le 1er avril 1996, ne convainc pas entièrement le Tribunal de l’Union qui déclare la déchéance partielle de ladite marque pour les services désignés en classe 42, ainsi que pour les « sandwiches au poulet » et « aliments à base de volaille » (Recours formé contre la Décision de la 4ème chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 décembre 2022 (affaire R 543/2019-4) de maintenir la marque BIG MAC pour les produits et services suivants : Classe 29 : « Aliments à base de viande et de volaille, sandwiches à la viande, sandwiches au poulet » ; Classe 30 : « Sandwiches comestibles, sandwiches à la viande, sandwiches au poulet » ; Classe 42 : « Services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter »). 

Concernant les « sandwiches au poulet » en particulier, les preuves d’exploitation de la marque BIG MAC soumises par McDonald’s se limitaient à des impressions d’affiches publicitaires dont la date avait été ajoutée manuscritement, à des captures d’écran d’une publicité télévisée diffusée en France en 2016, ainsi qu’à des captures d’écran du compte Facebook de McDonald’s France en 2016 (ci-dessous reproduites). 

Le Tribunal considère que ces seuls éléments ne fournissent pas d’indication sur l’importance de l’usage de la marque « notamment en ce qui concerne le volume des ventes, la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis et leur fréquence », de nature à démontrer la réalité de l’exploitation commerciale de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet ». McDonald’s perd donc sa marque BIG MAC pour ces produits notamment. 

Gardons-nous toutefois de tirer des conclusions hâtives sur la portée de l’arrêt. 

Premièrement, la marque est maintenue pour d’autres produits dont les « sandwiches à la viande » qui n’étaient pas visés dans le recours devant le Tribunal. Ainsi, les tiers qui seraient tentés d’exploiter le signe BIG MAC pour des « sandwiches au poulet » s’exposeraient encore à une action en contrefaçon fondée sur l’existence d’un risque de confusion pour des produits similaires et/ou, en tout état de cause, à une action en concurrence déloyale et parasitaire en cas de faute.  

Deuxièmement, l’arrêt est susceptible de pourvoi – limité aux questions de droit – devant la Cour de justice dans un délai de deux mois et dix jours à compter de sa notification. L’affaire n’est donc pas close. 

Cela étant dit, à l’avenir les titulaires de droits aguerris garderont à l’esprit le fameux adage latin Idem est non esse et non probari (« ne pas être ou ne pas être prouvé, c’est tout un ») et veilleront à se préconstituer un solide dossier de preuves d’usage tout au long de la vie de leur marque.

Affaire BIG MAC : Le Tribunal de l’UE précise les exigences de preuve pour éviter la déchéance d’une marque

Par Marie NAHMIAS, Avocate à la Cour.



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