Paquet Modèles : premiers commentaires et premières propositions d’améliorations (2/2)
par Frédéric Glaize, CPI et associé au cabinet Plasseraud IP
Notre précédent article balayait certains aspects du Paquet Modèles (proposition de nouvelle Directive Dessins & Modèles (COM(2022)667) et proposition de modification du Règlement 6/2002 (COM(2022)666)) et certains commentaires formulés par une série d’observateurs. Ce second volet sur le même sujet s’attache à la consolidation et l’extension des droits attachés à un dessin ou modèle, de nouvelles limites, dont la clause de réparation et l’action administrative en nullité à l’encontre des titres nationaux.
Enfin, on pourra aussi relever quelques points qui apparaissent, pour l’instant, négligés par le projet de réforme.
I. De nouveaux droits et de nouvelles limites
A. Principe de cumul avec le droit d’auteur
Confirmation plutôt que nouveauté, le cumul entre protection par dessin ou modèle et droit d’auteur est un principe admis par l’article 23 du projet de Directive et l’article 96.2 du Règlement, « pour autant que les exigences imposées par la législation de l’Union sur le droit d’auteur soient remplies ».
Les nouveaux textes conservent la possibilité d’une protection selon ces deux régimes juridiques, mais suppriment toute référence à la condition d’originalité et au fait que « le degré d’originalité requis » pour l’accès à la protection par le droit d’auteur soit déterminé par chaque État membre.
Beaucoup de commentateurs saluent cette consécration du cumul, qui « contribuera à harmoniser l’articulation droit d’auteur et droit des dessins ou modèles au sein des Etats membres » (CNCPI).
Il est rappelé, dans le préambule du projet de Directive, que « depuis l’adoption de la législation initiale, l’harmonisation a progressé dans le domaine du droit d’auteur ».
Or, la Directive 2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information n’envisage pas les conditions de protection par le droit d’auteur.
Mais on sait que l’arrêt Cofemel (CJUE, 12 septembre 2019, C-683/17, EU:C:2019:721, Cofemel – Sociedade de Vestuário SA / G‑Star Raw CV) a précisé que « la protection par le droit d’auteur [dépend] uniquement du point de savoir si l’objet est « original en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur », et « reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier ». Cet arrêt a constitué un pas vers une harmonisation et le CEIPI souligne dans ses observations que « les notions d’œuvre et d’originalité sont considérées par la jurisprudence comme des notions autonomes du droit de l’Union devant être interprétées et appliquées de façon uniforme ».
Cette « notion autonome » est une construction prétorienne, raison pour laquelle dans les commentaires de la CNCPI et ceux de l’ECTA, MARQUES et l’INTA pointe la question de la nature exacte des exigences imposées par la législation de l’Union Européenne : de quelle « législation » est-il question dans ces futurs articles 23 (projet de Directive) et 96.2 (Règlement) ?
B. Portée des droits : impression 3D
Face à la démocratisation des technologies d’impression 3D, le Paquet Modèles ajoute de nouvelles prérogatives dans l’escarcelle du titulaire de dessin ou modèle (Considérant 28 et article 16.d du projet de Directive et article 19.d du Règlement). Ainsi, le consentement du titulaire des droits devient indispensable pour « la création, le téléchargement, la copie et le partage ou la distribution à autrui de tout support ou logiciel enregistrant le dessin ou modèle en vue de permettre la réalisation d’un produit » dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué.
Les observations du groupe français de l’AIPPI et celles de la CNCPI soulignent que dans la formulation de ce paragraphe d, il est un peu étrange de voir les supports et logiciels être le sujet du verbe « enregistrant » qui laisse supposer que ces fichiers numériques accomplissent eux-mêmes l’action d’enregistrer. Le contexte de la phrase laisse plutôt supposer que l’on cherche à viser des supports informatiques qui comporteraient ou intégreraient des modèles.
La question de l’adaptation des droits de propriété industrielle avait été envisagée dans le rapport de la Commission Européenne intitulé The Intellectual Property Implications of the Development of Industrial 3D Printing (12 février 2020). A l’époque, au regard du droit positif et face aux menaces que pouvaient laisser redouter le déploiement accru des technologies d’impression 3D, la position exprimée consistait globalement à se satisfaire des prérogatives existantes dans la Directive 98/71 et le Règlement 6/2002, dans la mesure où :
- La mise en ligne d’un fichier 3D (uploading) peut être analysée comme un acte de contrefaçon « directe » ;
- L’hébergement est assimilé à une utilisation : le rapport sur l’impression 3D rapproche l’hébergement du stockage et rappelle que le stockage est explicitement assimilé à un acte d’utilisation par l’article 12 de la Directive 98/71 (article 19.1 du Règlement 6/2002).
Aussi, dans ce rapport, à l’issue du chapitre 4.4. Infringement Issues under Design Law, on pouvait lire qu’il n’était pas nécessaire d’adapter les dispositions existantes, puisqu’elles couvraient l’hébergement de fichiers par assimilation au stockage :
« · (b) hosting is also considered a use of the design and this is why the clarifications that have been suggested in this respect are unnecessary.. »
Comme le soulignent le groupe français de l’AIPPI et la CNCPI, alors que la notion de stockage reste présente dans les projets de modification, il n’est pas certain que l’hébergement soit facilement assimilable au stockage. En effet, la structure des nouveaux textes est compartimentée. Dans le Paquet Modèles, la notion de stockage figure au point c, qui ne renvoie qu’aux actes listées aux points a et b. Dès lors, le nouveau paragraphe d, consacré à l’impression 3D, énumère une série d’actes dans une liste fermée (la création, le téléchargement, la copie et le partage ou la distribution). L’hébergement n’y est pas mentionné.
Les commentateurs redoutent ainsi que l’hébergement d’un fichier 3D n’apparaisse pas comme un acte soumis à l’autorisation du titulaire des droits sur un dessin ou modèle et souhaitent une rectification sur cet aspect.
C. Nouvelles limites et exceptions à la protection
À côté des nouvelles prérogatives, apparaissent de nouvelles limitations.
1) La clause de réparation
De façon peu surprenante, la clause de réparation, point essentiel du Paquet Modèles, représente le sujet qui suscite le plus grand nombre de commentaires.
On l’a déjà mentionné, la clause de réparation a été le point bloquant jusqu’à présent. Les solutions adoptées par les Etats Membres étaient assez hétérogènes (http://pmdm.fr/wp/2017/05/clause-de-reparation-modeles-de-pieces-detachees-de-vehicules-bmw-vs-rs-import-les-jantes-et-larticle-110-du-reglement-62002/). L’introduction d’une clause de réparation dans le Paquet Modèles est devenue moins improbable après l’adoption de réformes en Allemagne (le 26 novembre 2020 ; cf. Designgesetz, article 40a https://www.gesetze-im-internet.de/englisch_geschmmg/englisch_geschmmg.html) et en France (http://pmdm.fr/wp/2022/12/la-clause-de-reparation-a-la-francaise-applicable-au-premier-janvier-2023-aux-dessins-et-modeles-francais/).
Second facteur ayant favorisé l’intégration d’une clause de réparation dans le Paquet Modèles : les incitations explicites du Conseil Européen (Conclusions du Conseil sur la politique relative à la propriété intellectuelle et la révision du système de dessins et modèles industriels dans l’Union, 10 novembre 2020, https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2020/11/10/future-eu-intellectual-property-policy-council-adopts-conclusions/) et du Parlement européen (résolution du 11 novembre 2021 : European Parliament resolution on an intellectual property action plan to support the EU’s recovery and resilience (2021/2007(INI)).
La clause de réparation du Paquet Modèles (article 19 du projet de Directive et article 19 bis du Règlement) se base sur l’article 110 du Règlement 6/2002, mais n’est pas identique à celui-ci. Deux ajouts apportent des différences majeures.
En premier lieu, la clause ne peut être invoquée que si le fabricant ou le vendeur d’une pièce d’un produit complexe a « dûment informé les consommateurs, au moyen d’une indication claire et visible figurant sur le produit ou sous toute autre forme appropriée, de l’origine du produit destiné à être utilisé aux fins de la réparation du produit complexe, indication permettant aux consommateurs de faire un choix en connaissance de cause entre des produits concurrents pouvant être utilisés pour la réparation ».
C’est la codification d’un apport de l’arrêt Accacia CJUE 20 décembre 2017, Acacia Srl c/ Pneusgarda Srl, Audi AG (C‑397/16), et Acacia Srl, Rolando D’Amato c/ Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG (C‑435/16)), qui a dit pour droit que « le fabricant ou le vendeur d’une pièce d’un produit complexe sont soumis à une obligation de diligence quant au respect, par les utilisateurs situés en aval, des conditions imposées » par la clause de réparation de l’article 110 du Règlement 6/2002.
Second ajout, et non des moindres, une autre condition pour que la clause de réparation puisse effectivement être invoquée et paralyser les droits attachés à un modèle de pièce détachée : l’apparence du produit complexe doit conditionner le dessin ou modèle de ladite pièce. Dans son arrêt Acacia du 20 décembre 2017, la Cour de Justice avait jugé que cette condition à laquelle il était fait allusion dans le préambule du Règlement, n’étant pas prévue par son dispositif, ne s’imposait pas. L’avant-projet du Paquet Modèles vient maintenant ajouter explicitement cette condition dans le dispositif du Règlement et de la Directive.
Comme le souligne Patrice de Candé (Paquet dessins et modèles : pertinences et insuffisances d’un avant-projet, Propr. intell. 2023, n°86), cette condition représente « une obstruction » à la mise en œuvre de la clause de réparation. Exigence de « must match », elle signifierait que les jantes de véhicules ne sont pas couvertes par la clause de réparation (commentaire de l’ECTA, MARQUES et l’INTA).
Enfin, cette clause ne s’imposera que dix ans après la transposition de la Directive aux Etats Membres dont la législation ne connaitrait pas le principe de clause de réparation telle qu’elle figure dans le Paquet Modèles. Au-delà de cette longue période de transition, la très grande hétérogénéité des clauses de réparations des Etats Membres qui ont introduit dans leur droit national ce type de limitation conduit la CNCPI à s’interroger sur l’efficacité réelle de la formulation du paragraphe 3 de l’article 19 du projet de Directive pour imposer à tous les Etats Membres une solution qui soit réellement uniforme.
2) Critique et parodie
Les articles 18 du projet de Directive et 20 du Règlement envisagent les limitations des droits conférés par un dessin ou modèle, en allongeant la liste de ces exceptions aux actes accomplis afin d’identifier un produit ou d’y faire référence comme étant celui du titulaire du dessin ou modèle et aux actes accomplis à des fins de commentaire, de critique ou de parodie.
Divers commentateurs (dont l’APRAM et la CNCPI) auraient aimé que soit détaillée la justification réelle de ces nouvelles exceptions. L’Institut Max Planck rejoint les commentateurs précités pour s’interroger sur l’articulation entre les dispositions précitées et les considérants 32 de la Directive et 15 du Règlement qui les annoncent en mentionnant l’usage d’un dessin ou modèle « à des fins d’expression artistique », la nécessité de garantir le plein respect des droits et libertés fondamentaux, « en particulier la liberté d’expression » ou l’utilisation du dessin ou modèles à titre de mention dans le cadre de la publicité comparative.
Quelques soucis de cohérence entre Directive et Règlement sont également pointés dans les commentaires de la CNCPI, notamment la mention malhabile des « véhicules » aux points g et h de l’article 18 du projet de Directive (alors que ne devraient être concernés que les navires et aéronefs).
D. La nullité des dessins ou modèles
1) Action administrative en nullité contre les titres nationaux prévue par la Directive
Dans la lignée du Paquet Marques, une avancée majeure proposée dans la Directive consiste en l’introduction d’une action administrative en nullité à l’encontre des titres nationaux.
Dès la création des dessins ou modèles communautaires, ce principe leur était applicable. Au sein de l’EUIPO, la Division d’Annulation statue sur les demandes en nullité. Un niveau de recours est ensuite accessible, toujours auprès de l’Office et, en matière de dessins ou modèles, c’est la troisième Chambre de Recours de l’EUIPO qui centralise les recours concernant des dessins ou modèles. Ce système fonctionne de façon très efficace et a largement fait ses preuves. Et il faut ajouter que la qualité de ces décisions est contrôlée a posteriori via le programme SQAP (Stakeholders Quality Assurance Panels, https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/sqap_audits), qui implique directement les utilisateurs.
Il fait sens de transposer ce fonctionnement au niveau national, non seulement pour dupliquer la réussite du système communautaire, mais encore pour désengorger les tribunaux. De surcroit, déplacer ce type de contentieux hors des tribunaux a l’avantage de les faire financer par les parties (ou tout du moins par les titulaires de droits de propriété industrielle) et donc de ne plus en faire peser la charge sur le budget de l’Etat.
Cependant, les avant-projets de textes du Paquet Modèles n’envisagent pas explicitement la situation d’une éventuelle connexité, face à « l’hypothèse où une action en contrefaçon (lors de laquelle une demande reconventionnelle en nullité serait formée) serait exercée avant ou après une procédure en nullité devant un office ». Le groupe français de l’AIPPI, dans ses observations, incite à ce que la nouvelle Directive prévoit la mise en place de mesures de suspensions de procédure et l’aménagement d’une possibilité d’ordonner des mesures provisoires ou conservatoires.
La formulation de l’article 31 du projet de Directive (qui ouvre la procédure administrative en nullité des dessins ou modèles nationaux « sans préjudice du droit des parties à ester en justice (…) ») [à lier avec celle issue de l’article 45 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques], conduit l’APRAM à s’interroger sur sa signification exacte. L’association de praticiens hésite entre l’intérêt à agir, une possibilité de choisir entre procédure administrative et procédure judiciaire en nullité ou l’obligation de prévoir un recours judiciaire.
2) Disparition de la nullité partielle
Aussi bien la nouvelle version du Règlement que le projet de Directive mettent au rebus la possibilité de maintien d’un dessin ou modèles sous une forme modifiée, que l’on peut assimiler à une sorte de nullité partielle.
Ce ne sera pas une grosse perte à nos yeux, car les dispositions concernées étaient viciées par une contradiction qui les rendaient inefficaces.
Dans le cas des dessins ou modèles communautaires, l’article 25.6 du Règlement 6/2002, qui serait donc supprimé, prévoit que « peut être maintenu sous une forme modifiée si, sous ladite forme, il répond aux critères d’octroi de la protection et que l’identité du dessin ou modèle est conservée ».
Il est vrai qu’aboutir à une forme modifiée d’un dessin ou modèle tout en maintenant son identité relève de la quadrature du cercle. Très rarement invoquées, ces dispositions n’ont pas montré leur efficacité (pour deux exemples, voir : http://pmdm.fr/wp/2016/12/maintien-dun-dessin-ou-modele-communautaire-sous-une-forme-modifiee/).
II. Ce que la réforme n’a pas envisagé
A. La prescription des actions en revendication
Les modalités de prescription des actions en contrefaçon ont été ignorées par la Directive de 1998 et n’ont pas plus été envisagées dans l’avant-projet de Directive du 28 novembre 2022. Le groupe français de l’AIPPI et la CNCPI ont souligné cette lacune, en pointant l’écart entre le régime national et le régime communautaire au niveau de la durée au bout de laquelle une action en revendication de dessin ou modèle se prescrit et en ce qui concerne le mode de prolongation de cette période en cas de mauvaise foi.
L’article 15 du Règlement prévoit un délai de prescription de l’action en revendication de 3 ans à compter de la date de la publication pour un dessin ou modèle de l’UE enregistré ou de la date de la divulgation pour un dessin ou modèle de l’UE non enregistré, alors que cette durée est de 5 ans à compter de la publication de l’enregistrement d’un dessin ou modèle national français (article L. 511-10 du Code de la Propriété Intellectuelle).
Le même article 15 prévoit en outre que cette limite de durée ne s’applique pas si la personne qui n’a pas droit au dessin ou modèle de l’UE était de mauvaise foi au moment où ce dessin ou modèle a été déposé ou divulgué, ou au moment où elle l’a acquis. En revanche, le droit français prévoit dans ce cas un délai de prescription de cinq ans à compter de l’expiration de la période de protection du dessin ou modèle.
B. L’impact de l’Intelligence Artificielle générative
Si l’impression 3D a fait partie des préoccupations de la Commission Européenne (Proposition de Directive relative à l’adaptation des règles en matière de responsabilité civile extracontractuelle au domaine de l’intelligence artificielle a été publiée fin septembre 2022 (COM(2022) 496), et Proposition de Règlement établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (législation sur l’intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l’Union (Com(2021) 206) publié le 21 avril 2021), le Paquet Modèles n’envisage pas l’impact de l’intelligence artificielle.
Au dernier trimestre de l’année 2022, plusieurs opérateurs ont rendu publics leurs outils de génération de contenu à partir de « prompts » donnant des indications à un système d’intelligence artificielle.
La CNCPI a incité la Commission Européenne à actualiser les réflexions qui ont pu être menées à propos de l’AI face à un essor absolument considérable de la puissance des systèmes d’intelligences artificielles capable de générer des contenus, dont des images (par exemple : Dall-E, Stable Diffusion, Midjourney, Nightcafe AI, voire même Crayion ou TikTok) ou des modèles 3D (par exemple : Point-E d’OpenAI, Get3D de Nvidia, Sloyd, 3DFY.ai, DreamFusion de Google).
La puissance et la démocratisation de ces systèmes ne manquera pas d’entrainer des questions juridiques potentiellement complexes, en témoignent, en matière de droit d’auteur, les échanges très intéressants enregistrés pour le podcast R2PI du CEIPI (Intelligence artificielle et BD – Des hauts et débats, épisode du 25/01/2023, https://podcast.ausha.co/r2pi/intelligence-artificielle-et-bd-des-hauts-et-debats).
En amont, il serait également souhaitable de se pencher sur le principe de l’exception que la Directive 2019/790 sur le droit d’auteur prévoit en son article 4 pour les « reproductions et les extractions d’œuvres et d’autres objets protégés accessibles de manière licite aux fins de la fouille de textes et de données ». Les bases des Offices sont elles ouvertes pour que les outils d’intelligence artificielle soient entrainés ?
C. La nullité des dessins ou modèles en raison de la mauvaise foi du déposant
Dans les articles 14 du projet de Directive et 25.1 du Règlement, les motifs de nullités énumérés font l’impasse sur la capacité à obtenir l’annulation d’un dessin ou modèle dont la protection aurait été obtenue de mauvaise foi. Là encore, la CNCPI a suggéré d’envisager cette possibilité, à l’instar de ce qui est par exemple prévu à l’article 4 de la Directive (UE) 2015/2436 portant sur les marques.
D. DMCNE (futurs Dessins ou Modèles de l’UE Non Enregistrés) : divulgation abusive, lieu de première divulgation et notion de copie
L’APRAM et Patrice de Candé, dans son article précité, pointent le fait que l’article 7.2 du Règlement ne paralyse la divulgation abusive au regard de la validité des seuls dessins ou modèles enregistrés, laissant de côté le sort des dessins ou modèles non enregistrés dans ce cas de figure.
Une clarification sur les effets du lieu de première divulgation est souhaitée par plusieurs commentateurs (Max Planck, ECTA, MARQUES, INTA et l’APRAM) qui regrettent que subsiste une incertitude juridique sur l’éventuelle protection d’un dessin ou modèle non enregistré lorsque la première divulgation a été faite en dehors de l’UE (article 11.2 du Règlement et suppression de l’article 110bis.5).
Face à des hésitations de la jurisprudence française, l’APRAM préconise de ne plus avoir recours à la notion de copie au regard des dessins ou modèles non enregistrés.
E. Protection renforcée des dessins ou modèles renommés
Dans ses observations, l’UNIFAB formule une proposition visant à renforcer la protection du design jouissant d’une certaine renommée.
L’Union des Fabricants soutient dans ses observations que, dans de nombreux cas, « les contrefacteurs adoptent les caractéristiques essentielles ou les codes généraux des dessins et modèles avec des différences suffisantes pour ne pas être classés comme contrefaçon ». Afin de conférer une protection efficace aux titulaires légitimes de droits qui « ont investi des sommes importantes et des efforts de recherche et développement pour promouvoir le produit correspondant à un dessin ou modèle », l’UNIFAB suggère que ce temps de réforme soit l’occasion d’accroitre l’étendue de la protection de certains dessins et modèles « jouissant d’une certaine renommée ».
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Bien d’autres aspects de la réforme mériteraient également d’être évoqués (consentement, sécurisation des intérêts des parties intéressées aux dessins ou modèles, possibilité de fournir des vues modifiées, effet de la date d’enregistrement…). L’avancée de la réforme pourra donner l’occasion d’y revenir.
Paquet Modèles : premiers commentaires et premières propositions d’améliorations (2/2) par Frédéric Glaize, CPI et associé au cabinet Plasseraud IP