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De la difficile protection des slogans

Par Perrine Waendendries, Conseil en propriété industrielle, Novagraaf

Si les slogans sont un outil publicitaire et de communication largement utilisé, conçu en vue de bien inscrire dans l’esprit du public le nom d’un produit ou d’une société, leur protection par le droit des marques est loin d’être évidente.

Une nouvelle décision du TUE du 15 novembre 2023 (aff. T-97/23) vient, en effet, confirmer la réticence des instances de l’Union Européenne à accorder une protection à titre de marque à des slogans, le plus souvent élogieux.

Selon une jurisprudence constante, la protection des slogans par le droit des marques n’est pas exclue en tant que telle. La Cour de justice de l’Union européenne a ainsi estimé que la capacité d’un slogan à constituer une marque devait être appréciée de la même manière que n’importe quel autre signe, sans qu’il y ait lieu d’ajouter des critères plus stricts dans l’appréciation de son caractère distinctif. Il n’en demeure pas moins que la reconnaissance du caractère distinctif d’un slogan n’est pas chose aisée, et que, dans les faits, la jurisprudence accorde rarement une telle protection.

La distinctivité des slogans peut ainsi être contestable lorsque le public pertinent les perçoit uniquement comme une simple formule promotionnelle. Ils doivent en revanche se voir reconnaître un caractère distinctif suffisant si, au-delà de leur fonction promotionnelle, ils sont perçus par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés (fonction essentielle de la marque).

S’ils ne sont pas toujours faciles à appliquer en pratique, la Cour a donc fourni les critères suivants afin d’apprécier le caractère distinctif d’un slogan. Ainsi un slogan est susceptible de posséder un caractère distinctif dès lors qu’il :

    • a plusieurs significations, et/ou

    • constitue un jeu de mots, et/ou

    • est imaginatif, surprenant ou inattendu, et/ou

    • possède une originalité ou prégnance particulière, et/ou

    • déclenche chez le public pertinent un processus cognitif ou un effort d’interprétation.

  • En l’espèce, la société allemande Medela Holding AG a procédé en août 2021 au dépôt d’une marque internationale THE SCIENCE OF CARE, visant notamment l’Union Européenne, pour des produits et services des classes 3, 5, 8, 9, 10, 11, 18, 20, 21, 25, 28, 41 et 44.

L’examinateur de l’EUIPO, puis la chambre de recours, ont partiellement refusé la protection de la marque pour les services de « location de tire-lait et de pompes à vide ; service de conseil et d’information sur les produits médicaux ; services de conseillers dans le domaine des appareils et instruments médicaux » en classe 44, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b ) du RMUE mentionnant que « sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

La société Medela Holding a donc formé un recours devant le TUE qui confirme, ici, le refus d’enregistrement de la demande de marque pour défaut de caractère distinctif en lien avec les services précités en classe 44 (les autres produits et services n’étant pas concernés).

Pour motiver sa décision de rejet, le Tribunal énonce que l’expression « the science of care » pourra être considérée par le public pertinent comme l’ensemble des connaissance relatives au bien-être et à la santé d’une personne. Dès lors, et dans la mesure où, ladite expression ne « présente pas, au regard des règles syntaxiques, grammaticales, phonétiques ou sémantiques de la langue anglaise, un caractère inhabituel, cette expression véhicule un message simple, clair et non équivoque, qui n’est pas de nature à lui conférer une originalité ou une prégnance particulière, à nécessiter un minimum d’effort d’interprétation ou à déclencher un processus cognitif, et qui, par suite, n’est pas susceptible d’indiquer au public pertinent l’origine commerciale des services pour lesquels la requérante conteste la décision attaquée ».

Comme nous pouvions nous y attendre, le Tribunal confirme donc l’appréciation de la Chambre de recours selon laquelle « la marque demandée est un slogan fournissant des informations purement laudatives et ne déclenchant aucun processus cognitif nécessaire à sa compréhension, de sorte que ladite marque n’est pas distinctive au sein de l’article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement 2017/1001 ».

Si, en application des critères détaillés précédemment, très peu de slogans sont enregistrés à titre de marque par l’EUIPO, d’autres fondements juridiques peuvent également être envisagés aux fins de la protection d’un slogan, et notamment le droit d’auteur, la concurrence déloyale ou le parasitisme.

Notons enfin que cet arrêt est également l’occasion de rappeler quelques principes :

    • lorsque la chambre de recours refuse l’enregistrement d’une marque, elle est tenue de motiver ce refus pour chacun des produits et services considérés une motivation globale pour un groupe de produits et/ou services « présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret » est cependant possible ;
    • une limitation du libellé de la demande de marque en cause au stade du recours ne consistant pas en un simple retrait mais en une modification de la description des produits et/ou services ne saurait être prise en compte ;

    • de nouvelles pièces produites pour la première fois devant le Tribunal ne seront pas prises en compte dès lors que le Tribunal veille uniquement au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO.

“De la difficile protection des slogans par le droit des marques au sein de l’Union Européenne” Par Perrine Waendendries, Conseil en propriété industrielle, Novagraaf

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