Droit des marques,Propriété intellectuelle

La protection spéciale des Propriétés Olympiques et Paralympiques en France (2/2)

Par Laurent Nowak, associé-partner et conseil en propriété industrielle chez Plasseraud IP

 

Cet article est la suite directe d’un article disponible juste ici !

 

3. Mise en œuvre de la protection accordée aux Propriétés Olympiques et Paralympiques en France

3.1. Les Propriétés Olympiques et Paralympiques à l’épreuve de l’INPI – rejets ex officio

Le premier rempart contre les atteintes aux Propriétés Olympiques est l’INPI, qui se saisit en effet des dispositions spéciales du Code du Sport pour rejeter des demandes de marques dès lors qu’elles contiennent une reproduction d’une Propriété Olympique.

Apparaissent ainsi sur la base de données de l’INPI comme ayant été totalement rejetées, les demandes de marques françaises suivantes :

Dans tous ces cas, l’atteinte est évidente puisque les demandes de marques rejetées contenaient des reproductions, à l’identique, de Propriétés Olympiques et Paralympiques, telles que « PARIS 2024 », « OLYMPIQUE », « OLYMPIADES » ou « OLYMPIEN ».

Bien plus intéressant encore, l’INPI ne se contente pas de rejeter dans les cas d’atteinte les plus évidents et se saisit également de la possibilité qui lui est offerte par la rédaction des articles L141-5 et L141-7 du Code du Sport pour baser ses rejets sur une imitation ou la traduction d’une Propriété Olympique.

A titre d’exemples, apparaissent sur la base de données de l’INPI comme ayant été totalement rejetées, les demandes de marques suivantes :

3.2.Les Propriétés Olympiques et Paralympiques à l’épreuve de l’INPI – rejets suite à une opposition

Les dispositions du Code du Sport ne pouvant être invoquées dans le cadre d’une opposition en France, le CIO, le CNOSF et Paris 2024 doivent régulièrement engager des oppositions sur la base de leurs droits de propriété intellectuelle et en particulier leurs marques (cf. supra).

L’étude de la jurisprudence de l’INPI concernant les Propriétés Olympiques et Paralympiques permet de constater la protection relativement étendue accordée aux marques OLYMPIAD et surtout OLYMPIC détenues par le CIO. En effet, l’INPI retient qu’en présence de produits et/ou des services identiques ou similaires, le radical « OLYMP », au sein des demandes de marques contestées, suffit à engendrer un risque de confusion pour le consommateur d’attention moyenne qui y percevra une référence aux Jeux Olympiques.

L’INPI a ainsi, entre autres, rejeté les demandes de marques suivantes :

Concernant la protection des Anneaux Olympiques, l’INPI a par ailleurs retenu qu’associée au terme «SPORT», la représentation de trois anneaux entrelacés dans la demande de marque semi-figurative Sobhi Sport en constituait une imitation (INPI, Opposition OPP 07-2170, CIO c/ SOBHI SPORT, 28 janvier 2008).

Il est aussi intéressant de noter que la protection accordée par l’INPI aux Anneaux Olympiques s’étend à d’autres formes géométriques, l’INPI ayant retenu que la demande de marque OLYMPACK, incluant trois carrés entrelacés, constituait l’imitation de la marque antérieure semi-figurative OLYMPIAD.

Dans cette décision, l’INPI a considéré que les similitudes visuelles et phonétiques entre les termes OLYMPIAD et OLYMPACK étaient renforcées par les similitudes visuelles des éléments figuratifs et retenait que « si les formes géométriques entrelacées sont distinctes de celles de la marque antérieure (carrés pour le signe contesté / ronds pour la marque antérieure), il n’en demeure pas moins que ces éléments figuratifs se rapprochent par leur style et présentation et qu’associés à l’élément verbal OLYMPACK, ils sont susceptibles d’évoquer les jeux olympiques » (INPI, Opposition OPP 06-1302, CIO c/ DESCHOMETS Thierry, 25 octobre 2006).

Enfin, le COJO a également eu l’occasion d’invoquer la marque qui correspond à l’Emblème des Jeux de Paris 2024 et a, ainsi, obtenu le rejet de la demande de marque PARIS 2025 en janvier 2021 (INPI, Opposition OPP 20-2204, COJO Paris 2024 c/ Sylvain PASSEMAR, 8 janvier 2021).

3.3. Les Propriétés Olympiques et Paralympiques à l’épreuve des juges

Si une partie du contentieux concernant les Propriétés Olympiques et Paralympiques est d’ordre administratif, la plupart des atteintes auxquelles doivent faire face les acteurs du Mouvement Olympique, et en particulier le COJO, ont lieu sur Internet et notamment sur les réseaux sociaux.

Nombreuses sont les sociétés qui tentent de profiter de l’effet d’aubaine d’un évènement tel que les Jeux Olympiques et Paralympiques et ainsi, de tirer indûment profit de son extraordinaire renommée sans s’acquitter des droits nécessaires à l’utilisation des Propriétés Olympiques et Paralympiques.

Il n’est donc malheureusement pas rare de tomber sur des publications de sociétés commerciales assurant la promotion de leurs produits et/ou services tout en reproduisant ou en imitant les Propriétés Olympiques et Paralympiques, et en particulier :

a. les Anneaux Olympiques :

b. le terme « OLYMPIADE(S) » ou le millésime « VILLE + ANNEE » :

c. ou encore des messages commerciaux du type « Nos entreprises sont en piste pour la médaille d’Or » ou des messages de soutien « SUPPORTERS DE TOUS LES BLEUS ! » incluant des hashtags tels que #JeuxOlympiques, #JO ou encore #BEIJING2022 et associés à des visuels qui illustrent la saison des Jeux concernés :

Autant d’utilisations condamnables au regard des droits du CIO, de l’IPC, du CNOSF, du CPSF et/ou du COJO Paris 2024 sur le terrain de la contrefaçon, mais aussi de l’atteinte aux Propriétés Olympiques et Paralympiques prévue par les articles L141-5 et L141-7 du Code du Sport, et qui peuvent avoir des conséquences financières lourdes.

Les tribunaux français ont en effet régulièrement l’occasion de statuer sur des cas d’atteintes similaires, concernant donc des publications, parfois fugaces, sur les réseaux sociaux à l’approche ou pendant les Jeux. Parmi les décisions rendues ces dernières années, trois d’entre elles semblent particulièrement intéressantes :

      • CNOSF c/ VDD (PIXMANIA), Tribunal de Grande Instance de Paris, 19 avril 2019 : dans cette affaire, le site PIXMANIA.FR présentait des bannières promotionnelles pendant les Jeux de Rio 2016 avec des Anneaux et un claim « Des deals en OR » associé à une flamme, avec des renvois vers les comptes Facebook et Twitter de PIXMANIA.

      • CNOSF c/ SIXT , Tribunal Judiciaire de Paris, 29 mai 2020 : la société SIXT, célèbre loueur de véhicules, avait posté deux publications sur Twitter et Facebook « C’est parti pour les JeuxOlympiques ! #JeuxOlympiques #JO2018 #@JeuxOlympiques » dans le cadre d’un jeu invitant les internautes à désigner les athlètes qu’ils voulaient voir gagner.

      • CNOSF c/ CIC, Tribunal de Grande Instance de Paris, 25 octobre 2019 : enfin, dans cette affaire, le Crédit Industriel et Commercial avait procédé à une publication « En route pour les JO d’hiver! #PyeongChang2018 » pendant les Jeux de PyeongChang 2018 ainsi qu’à une publication, plus ancienne, incluant la phrase « Si tu vas à Rio… » associée au visuel d’une flamme aux couleurs du Brésil pendant les Jeux de Rio 2016 :

Dans ces trois cas, le CNOSF, qui agissait à l’époque, invoquait, d’une part, des atteintes à ses marques notoires sur le terrain de L713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle et aux Propriétés Olympiques sur le fondement de l’article L141-5 Code du Sport, et, d’autre part, des faits distincts de parasitisme sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Dans ces trois décisions, le Tribunal (i) reconnaît systématiquement le statut de marques notoires aux signes « JEUX OLYMPIQUES » et « JO » et l’atteinte aux Propriétés Olympiques sanctionnée par le Code du Sport, et (ii) condamne donc SIXT, le CIC et PIXMANIA à verser de façon globale au CNOSF les sommes de 20.000 euros pour SIXT et de 10.000 euros pour le CIC et PIXMANIA en réparation du préjudice résultant de l’atteinte aux Propriétés Olympiques sur le fondement des articles L141-5 du Code du sport et L713-5 du Code de la propriété intellectuelle.

De façon systématique aussi, le Tribunal condamne ces sociétés sur le terrain de l’article 1240 du Code civil pour des faits distincts de parasitisme et ordonne qu’elles versent au CNOSF les sommes de 10.000 euros pour SIXT et le CIC, et 5.000 euros pour PIXMANIA.

Outre ces condamnations, deux points particulièrement intéressants sont à retenir de la décision CNOSF c/ CIC du 25 octobre 2019 :

D’une part, les juges confirment le régime particulier de protection dont disposent les Propriétés Olympiques et Paralympiques et retiennent que « le sigle JO bénéficie, comme les autres propriétés olympiques, d’un régime de protection autonome et absolu. Il n’est dès lors pas nécessaire pour le CNOSF de démontrer l’existence d’une exploitation injustifiée ou d’un risque de confusion pour que l’acronyme « JO » puisse bénéficier de la protection prévue par l’article L. 141-5 du Code du Sport ». ;

D’autre part, concernant l’argument en défense du CIC qui était de dire que ses publications relevaient du droit à l’information, soulevant donc probablement la seule exception à cette protection si spéciale des Propriétés Olympiques et Paralympiques, les juges écartent d’un revers de la main ce moyen en retenant que « si les Jeux Olympiques sont un événement mondial à caractère exceptionnel auquel il peut être fait référence dans le cadre de la liberté d’expression et d’information, il y a lieu de considérer que le CIC, qui exerce une activité commerciale de services bancaires et d’assurances, n’a pas vocation à communiquer sur l’actualité générale ou dans un but d’intérêt général sur ses comptes Twitter et Facebook qui sont destinés à assurer sa visibilité sur les réseaux sociaux ». En maintenant accessible sur son compte Twitter le message relatif aux Jeux Olympiques qu’il avait publié, le CIC a par conséquent violé les dispositions de l’article L. 141-5 du Code du Sport.

Conclusion

Le régime de protection, autonome et absolu, accordé aux Propriétés Olympiques et Paralympiques tel que défini aux articles L141-5 et L141-7 du Code du Sport se justifie par l’ampleur, planétaire, de cet évènement et des valeurs universelles qu’il véhicule, auxquelles les Partenaires Officiels et Licenciés associent donc leur image et leurs propres actifs. Le financement sur lequel il repose en est la clé de voûte et, la protection de l’exclusivité accordée aux Partenaires Officiels en est l’enceinte fortifiée.

A moins d’un an du lancement des Jeux de Paris 2024, la tentation pour les sociétés non-partenaires de se placer dans le sillage de cet événement sans en avoir assumé les conséquences financières, est de plus en plus forte. Les risques encourus le sont tout autant.

Il y a fort à parier que les atteintes seront nombreuses et l’on peut espérer en conséquence que les juridictions françaises sauront sanctionner, justement mais durement, les comportements fautifs sur lesquels elles auront à statuer. Dura Lex, Sed Lex.

La sensibilisation des services internes des entreprises est ainsi indispensable, tant par leurs conseils internes qu’externes, afin d’éviter d’exposer ces dernières à des sanctions financières importantes. Pour ce faire, le COJO Paris 2024 et le CNOSF proposent des guides fort utiles sur les pratiques interdites et celles autorisées, par exemple pour les entreprises soutenant des athlètes ou des fédérations sportives dans le cadre de la Règle 40 de la Charte Olympique, qu’il convient de consulter sans plus attendre.

La protection spéciale des Propriétés Olympiques et Paralympiques en France (2/2)

Par Thierry Mollet-Viéville, Avocat à la Cour – DTMV, Ancien président de l’AIPPI et de l’AFPPI

Author Image
TeamBLIP!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.